*Tu vas y arriver, tu vas y arriver, tu va y arriver…* Voilà ce que je me répétais inlassablement en ouvrant la porte de mon appartement ce matin là. Ma première sortie en dehors de chez moi depuis plus d’un an, enfin hormis pour aller récupérer des poches de sang à l’hôpital. J’espérais tellement pouvoir me contenir, pouvoir étouffer la bête assoiffé de sang qui pour l’instant somnolait au fond de moi, j’avais pris bien soin de me nourrir, un peu plus qu’à l’ordinaire même pour être sûr de ne pas avoir soif, pourtant un doute persistait en moi : et si je n’arrivais pas à me contenir, si je tuais quelqu’un ? je m’en voudrais toute ma vie, la seule chose que je voulais c’était une vie normale moi, une vie dans laquelle je ne serais pas obligée de me contenir et de me cacher tous le temps…

J’inspirai un grand coup prenant bien soin de sentir le dedans, et non la rue ou des tonnes d’odeurs humaines affluaient, puis après avoir fermé la porte me mis à marcher en évitant au maximum de respirer, c’était un vieux réflexe inutile désormais mais il pourrait coûter une vie si un humain avait le malheur de se balader par là.

Tout se passait bien, jusqu’à ce que je la sente, c’était une jeune femme qui passait par une ruelle déserte ne se trouvant pas très loin de là ou j’étais.

Oh non… murmurais-je.

Cependant avant même d’avoir prononcé ses paroles il était trop tard, la brûlure dans ma gorge était revenue et elle était bien trop forte, j’allais la tuer, dans quelques secondes cette femme allait mourir par la faute du monstre qui, si quelques secondes plus tôt, somnolait, maintenant était bien réveillé et prêt à prendre ce qu’il voulait : du sang, une vie. Mes jambes bien que j’essaie de toutes mes forces de les retenir commencèrent à se diriger vers la jeune femme, j’y étais presque, dans quelques secondes mes canines seraient planté dans son cou…

Il était tôt ce matin-là lorsque sous la brume qui tombait fine sur mon visage, je quittais la maison familiale. Cela faisait maintenant quelques mois que mes enfants m'avaient rejoint et ils semblaient tout deux bien se faire à la vie à Forks. Cela n'était jamais de gaieté de coeur que je les laissais seuls pour vaquer à mes occupations à la boutique ou à l'université, mais cela était nécessaire pour que nous puissions garder efficacement notre couverture qui nous permettait de vivre parmi les humains sans qu'il n'y ait la moindre vague. De toute manière, d'ici une petite demi-heure, Gabriel et Céleste devraient eux aussi se rendre au lycée : j'avais insisté pour les y déposer mais depuis que je lui avais offert les clés de sa première voiture, il était impossible à ma fille chérie de résister à la conduire. Qu'est-ce que je pouvais aimer l'air dépité de Gabriel lorsque sa soeur prenait le volant, lui qui avait l'habitude de l'amener partout : elle avait gagné en indépendance, il le savait et bizarrement cela semblait le mettre dans une certaine angoisse. *Ah... L'amour...* Cette expression avait été si naturellement formulée qu'elle me prit un rire tandis que je faisais déjà ronronner le moteur de ma voiture de ville.

Pendant tout le trajet qui allait me mener à ma boutique et que j'aurais sans doute plus rapidement effectué à pieds, je retournai cette interrogation dans ma tête : *Comment évoluerait la relation entre Céleste et Gabriel ?*. Certes leur lien fraternel était puissant, mais je ne pouvais ignorer ce que je ressentais à leur contact. Même si je n'étais pas une excellente empathe, je savais qu'un des voeux les plus chers de mon fils n'était autre que l'amour de celle qu'il m'avait supplié de sauver... Les choses paraissaient d'ailleurs évoluer dans ce sens avant notre déménagement, mais depuis quelques semaines la situation semblait avoir évoluée. Une hésitation était née dans le coeur de ma fille, elle était tiraillée : *Mais entre qui et qui ?*, voilà la seule question qui s'imposait.

Perdue dans mes pensées, je me garai presque machinalement non loin de ma boutique et attrapai mon sac à main posé sur le siège passager dont j'extrayais rapidement un trousseau de clés argentées pour aller ouvrir la boutique. Un bref coup d'oeil sur l'horloge électronique du tableau de bord m'apprit qu'il était encore très tôt et que la livraison de fleurs fraîches n'allait pas tarder à être effectuée. C'est donc avec une certaine hâte et l'esprit voguant encore dans les tribulations amoureuses de mes adolescents immortels que je fermai mon automobile tout en me dirigeant vers ma boutique dont les stores étaient encore baissés.

*Du sang... Je veux du sang.* Saisissante ! Cette pensée m'avait coupée nette dans mon élan tant elle avait été puissamment émise. Je me concentrai, le doute n'était pas possible : un vampire se trouvait dans les environs et vu son désir malsain ce n'était certainement pas un comparse de la famille Cullen dont je n'avais toujours pas eu le temps de rendre une petite visite à Carlisle, mon vieil ami. Non, il s'agissait bien là d'un vampire des plus sanguinaires, traquant sa prochaine proie. Un bref coup d'oeil autour de moi me permit de l'apercevoir : une belle jeune immortelle à la chevelure blonde et aux yeux rouges. Elle suivait nerveusement, presque malgré elle, une jeune femme qui venait de s'engouffrer dan une ruelle déserte à moins d'une trentaine de mètres d'elle. Pas le choix, il allait falloir que j'évite ce massacre si je désirais pouvoir demeurer dans cette ville sans être inquiétée.

C'est donc rapidement mais sûrement que je changeai de trajectoire et me dirigeai vers la vampire assoiffée. J'allais devoir m'en méfier : ne sachant rien sur son âge ni ses capacités, celle-ci pourrait peut-être s'avérer dangereuse. *Elle sera bien vite maîtrisée si elle s'attaque à moi*, me rassurai-je en me concentrant déjà sur mon don et sur le souhait qui était le mieux qu'elle ne fasse pas de vagues... Elle entra dans la ruelle, la jeune humaine qui n'avait rien remarqué de ces deux poursuivantes continuait elle de marcher en direction de la route principal adjacente qu'elle allait bientôt atteindre. Le moment était venu, le monstre allait bondir. Anticipant son mouvement, je me retrouvai tout à coup à la hauteur de la vampire qui se retrouva plaquée contre le mur rocailleux de la ruelle sans même qu'elle put émettre un bruit : j'avais souhaité un silence et une résistance nulle, et même si ce genre de souhait était aisé a réalisé son effet n durait toujours que quelques secondes. Un bras la maintenant contre le mur et mon autre main posée sur sa bouche pour éviter un hurlement inopportun; j'attendis que la proie ait quitté la ruelle. Nous étions désormais seules...

Ses yeux... Rouge sang. Cette femme qu'elle chassait ne devait pas être sa première victime de la matinée et j'allai devoir me méfier. De la peur d'elle s'échappait, j'avais dû la surprendre par tant de savoir-faire dans mon attaque vive et imparable. Doucement, je lui dis en enlevant progressivement ma main de ses lèvres :

- Rien ne sert de hurler, je ne vous ferai pas de mal si toi vous ne m'en faites pas...

Puis lâchant un petit peu mon étreinte, je la dévisageai pour tenter de sonder son esprit. Selon mon peu d'empathie, je pouvais dire qu'elle était loin de la tueuse : mais pourquoi avait-elle alors des iris si sanguinolents ?

- Je vais vous lâcher, mais avant j'aimerai bien que vous me disiez où sont les autres cadavres que vous avez laissé derrière vous ce matin. Vos pupilles témoignent de votre repas... Et je me demande bien quelle "personne comme nous" mettrait en danger notre secret si précieux pour une gâterie superflue...

Sa peur se faisant de plus en plus ressentir, je la lâchai et m'éloignai un peu d'elle. Je ne voulais pas être déstabilisée par ses émotions mais il était également hors de question que je la laisse s'échapper, du moins pas sans avoir des réponses à mes questions pour savoir si elle représentait une menace pour nous autres, vampires civilisés...

*Sa-y-est j’allais bondir, dans une ou deux secondes mes canines seraient plantées dans le cou de cette jeune femme et le délicieux nectar qu’était son sang coulerait dans ma gorge pour mon plus grand bonheur.*

Cependant tous ne se passa pas exactement comme je l’avais prévue, au moment où je bondissais vers la jeune femme je me retrouvais plaquée contre le mur et une main c’était posé sur ma bouche pour m’empêcher de crier. Je voulais me débattre mais ne le pouvais pas comme si une volonté plus forte que tout m’empêcher de le faire, je me sentais comme prisonnière à l’intérieur de moi-même et cela m’effrayais beaucoup, la vampire, car oui s’en était bien une, qui se tenait en face de moi allait-elle me tuer ?

De plus l’odeur du sang de la jeune femme m’attirait toujours autant et ma seule envie à cet instant était de me libérer de celle qui m’éloignait de ma proie un peu plus d’une seconde à l’autre. Quand celle-ci fut sortit de la ruelle je retrouvais enfin mes esprits petit à petit. Mais que m’avait-il pris bon sang ! J’avais faillit la tuer ! Finalement heureusement que la vampire était arrivée, elle venait de sauver une vie. Elle enleva progressivement sa main de ma bouche tout en me disant.

- Rien ne sert de hurler, je ne vous ferai pas de mal si vous ne m'en faites pas...

Elle relâcha un peu son étreinte tout en me fixant. Moi j’étais terrorisé, choqué et en colère contre moi-même en même temps. Je n’avais pas réussi, je voulais tous sauf ça et voilà que si elle n’était pas arrivée j’aurais encore tuée quelqu’un. Je me détestais tellement ! Mais pourquoi n’arrivais-je pas à me maîtriser, l’envie du sang était plus forte que tout dans ces moments là mais il fallait que j’y arrive, et vite.

- Je vais vous lâcher, mais avant j'aimerai bien que vous me disiez où sont les autres cadavres que vous avez laissé derrière vous ce matin. Vos pupilles témoignent de votre repas... Et je me demande bien quelle "personne comme nous" mettrait en danger notre secret si précieux pour une gâterie superflue...

D’autres cadavres ? Mais non le meurtre que j’avais faillis commettre était déjà assez lourd à porter, jamais je n’aurais tué juste pour le plaisir, j’en étais totalement incapable. D’ailleurs l’idée même de devoir tuer pour me nourrir me révoltait, cependant c’était dans ma nature maintenant et je n’arrivais pas à le contrôler, mais qu’allais-je bien pouvoir faire pour m’empêcher d’être un monstre !?

La peur et le dégoût de moi-même me paralysais tellement que je n’arrivais même pas à prononcer un seul mot. La jeune femme en face de moi relâcha entièrement son étreinte et s’éloigna de quelque pas, cependant je savais qu’elle n’en avait pas fini avec moi et qu’il était hors de question pour elle de me laisser m’enfuir. Doucement je me laissais glisser au sol appuyant ma tête contre le mur.

-Je suis désolé… murmurais-je tout d’abord.

J’avais fermée les yeux pour tenter de me calmer mais je m’en voulais tellement, pourquoi avait-il fallut qu’un homme me transforme en un monstre, qu’avais-je fais pour mériter cela ?

De plus je ne savais pas ce que la femme en face de moi allait faire de moi, elle était une des premières vampires que je rencontrais en face à face depuis ma transformation, il faut dire que je n’étais pas beaucoup sorti depuis et à en voir ce qui avait faillit se passer il valait peut-être mieux que je m’enferme chez moi pour le reste de mes jours, et je ne savais pas trop comment me comporter avec elle. Pour commencer je répondis à sa question.

Il n’y a aucuns autres cadavres… Je prends des poches de sang à l’hôpital. J’avais bus un peu plus que d’habitude dans l’espoir d’éviter ce qui vint de se passer…

Les yeux toujours clos je tentais de me calmer, peut importe si la vampire en face de moi en profitais pour m’attaquer, bien au contraire peut-être que ma mort ne serait pas une grande perte. J’avais conscience d’être totalement pitoyable mais je m’en fichais complètement, à cet instant précis je me fichais royalement de tout. Seule la honte et le dégoût de moi-même me rongeaient.

- Mmmhhh... Vous insinuez donc que vous tentez de ne pas faire de mal aux humains malgré votre condition ?

J’hochai simplement la tête, j’aurais tellement aimée pouvoir vivre près des humains en arrivant à ne pas leur faire de mal, mais comment le pourrais-je alors que leur sang m’attirait tellement ?

C’est la seule chose que j’aimerais plus que tout au monde, pouvoir vivre avec les humains sans risquer à chaque seconde d’attaquer l’un d’entre eux....

C’était tellement vraie, ma vie pourrait être tellement mieux si j’arrivais à me contrôler, peut-être pourrais-je reprendre des études, aller à la fac ou même travailler ? Mais cela était hors de question tant que je n’arriverais pas à me contrôler. Je préférais rester enfermée chez moi pour le reste de mes jours que d’avoir à tuer d’autres humains.

- Vous me paraissez si jeune, inconsciente des réels sacrifices que demandent notre existence "particulière"... Depuis combien de temps êtes-vous dans cet "état" ?

Les sacrifices, je les avais bien compris, impossible d’avoir une vie normale lorsqu’on est vampire. De plus moi qui avait tant rêvé du prince charmant et qui encore aujourd’hui voulait plus que tout être mère voilà que mes rêves étaient réduits à néant, je ne pourrais jamais connaître le bonheur de serrer un petit bout de chou tout contre moi… Bref, encore une fois je m’étais égarée dans mes pensées ça commençait à devenir une habitude. Je répondis donc à la question que venais de me poser la jeune femme en face de moi.

Cela fait maintenant 2 ans…

J’avais parlée avec une voix empli de regret, ce que j’aimerais que cela ne soit jamais arrivé, que le monstre qui m’avait transformé n’est jamais existé.

Bon, il allait vraiment falloir que je me reprenne, j’étais pitoyable là. J’ouvris donc les yeux et me relevais, assez doucement cependant pour que la jeune femme ne pense pas que j’allais l’attaquer. Un « détail » que je n’avais pas encore remarquée jusque là me frappa, ses yeux, ils étaient… différents, leur couleur était l’or. Pourtant tous les vampires devaient avoir les yeux rouges… non ? Un tas de questions tourbillonnaient dans ma tête mais je m’abstins de les poser attendant de voir ce qu’elle allait faire.